Nicole Mathieu

Pratiquer l’interdisciplinarité entre nature et sociétés

Conférence de Nicole Mathieu - 17/06/2014
Conférence de Nicole Mathieu – 17/06/2014

Le 17 juin 2014, Mme Nicole Mathieu (directrice de Recherche émérite au CNRS) a donné une conférence sur son parcours interdisciplinaire.

 

Biographie

 

Après une agrégation en histoire et géographie, Nicole Mathieu soutient en 1966 une thèse de 3ème cycle en histoire sur « Les transformations socio-économiques d’une commune rurale : Plozevet 1820-1920 » (EHESS/Univ Paris Sorbonne). Ce terrain sera décisif dans son engagement futur pour l’interdisciplinarité.

Nicole Mathieu a construit sa conférence à partir d’une autobiographie de l’interdisciplinarité par les pratiques et un récit historique de cette progression articulé à des objectifs de mise en œuvre. Pour cela, elle est revenue sur quatre périodes de sa recherche : le programme coopératif de Plozévet, l’Observatoire Causse-Méjean, la création de la revue « Natures, Sciences, Sociétés » et la publication de son dernier ouvrage collectif « Interdisciplinarités et Modélisations » (Ed Quae, 2014).

 

Retour sur la conférence

RCP Plozévet
  • Après-guerre, la recherche est pensée comme indispensable à la reconstruction de la France et à son développement. Elle fait donc partie de la planification étatique. La recherche implique plusieurs disciplines, dans un travail collectif construisant des connaissances nouvelles utiles à la compréhension du changement social.
  • C’est dans ce cadre qu’est mis en place la RCP (Recherche Coopérative sur Programme) Plozévet.
  • Le pilote du projet, un médecin, s’intéresse à la coxalgie dans le pays bigouden et se demande s’il s’agit d’une maladie congénitale. D’emblée la question est transversale (endogamie, biologie, anthropologie, démographie, sociologie, histoire). Il faut aussi un lieu que l’on partage, une commune considérée comme un tout qui doit révéler les interactions internes et externes (le local et le global).
  • « L’interdisciplinarité repose sur la conception d’une recherche collective mais également sur l’engagement des chercheurs en tant qu’individus dans cette interdisciplinarité. »

 

L’Observatoire Causse-Méjean 
  • On passe à une autre façon de penser la recherche : les Etablissements Publics Scientifiques et Techniques sont créés et on leur donne la charge des programmes interdisciplinaires, en particulier le CNRS et l’INRA.
  • Le questionnement interdisciplinaire est posé plus clairement et rejoint une problématique de la DATAR: articuler le changement écologique au changement économique et social.
  • Une réflexion sur les étapes de la construction de l’assemblage des disciplines, deux modèles d’interdisciplinarité : une organisation structurelle (penser l’Observatoire comme un ensemble de compartiments pour résoudre le tout ; les compartiments étant des savoirs et des compétences et pas des disciplines, il faut faire accepter aux chercheurs un organigramme des savoirs et faire alimenter les compartiments) et l’approche par question ou recherche finalisée (avec un organigramme mouvant, les points de vue peuvent être contradictoires).
  • Le rôle du coordinateur devient central mais aussi la nécessité de théoriser les pratiques. C’est ce que propose l’ouvrage dirigé par Marcel Jollivet : « Sciences de la nature, sciences de la sociétéLes passeurs de frontières », Ed CNRS, 1993
  • « La collaboration interdisciplinaire demande l’évolution des disciplines, de leurs paradigmes et de leurs courants techniques. Les chercheurs tentent de partager par la confrontation des concepts, leur évaluation commune et leur éventuelle invention (par exemple, le concept de paysage). Un travail commun sur les méthodes est donc au centre de la recherche interdisciplinaire. »

 

La création de la revue Nature Sciences Sociétés : une revue interdisciplinaire 
  • Cette création avait pour objectifs de renforcer une communauté, de valoriser les expériences interdisciplinaires et  de poser les questions épistémologiques.
  • Un bilan mitigé : est-ce qu’une revue peut apporter l’équivalent de programmes interdisciplinaires ?
  • Cette publication a permis néanmoins de stimuler une interdisciplinarité libre, non-programmée et choisie. Pour Nicole Mathieu, cela a pris tout d’abord la forme d’une recherche avec des écologues sur les blattes urbaines. Puis elle a participé à une réflexion plus large sur les sociétés, l’environnement et la santé, menée pour comprendre les interactions sociétés/milieux pour anticiper les problèmes sanitaires
  • « L’interdisciplinarité c’est le choix de la complexité à condition de produire des connaissances nouvelles ; un combat fort car il y a une véritable difficulté à articuler ses propres connaissances à celles d’une autre discipline. »

 

Modélisation et interdisciplinarité
  • Cette recherche part de la question : « Doit-on toujours associer interdisciplinarité à modélisation ou inversement ? »
  • La modélisation est associée à une pensée systémique : un modèle simplifié qui permet la vérification et l’identification des interactions. Dans les SHS, on éprouve une difficulté à utiliser des modèles mathématiques pour associer comportements humains et processus biologiques ou physiques, par exemple. Les modèles ne semblent pas englober la complexité d’ensemble.
  • Quand on les interroge sur leur pratique interdisciplinaire entre sciences sociales et sciences de la nature, les chercheurs insistent beaucoup sur la conceptualisation et l’énoncé du sujet de recherche. La sociabilité entre les chercheurs et avec les gens du terrain a elle aussi une grande importance, ainsi que le rapport du chercheur à son objet de recherche.
  • « De nombreux petits projets interdisciplinaires, fabriques d’interdisciplinarité, permettent la capitalisation des expériences. La mise en récit des efforts de recherche dans les disciplines, la connaissance de l’histoire des disciplines et des fondamentaux montrent les apports des disciplines les unes aux autres dans leurs évolutions. »

 

Annexes